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Les effets de l’ordonnance 2020-306 du 23 mars 2020 sur les délais fiscaux

L’ordonnance 2020-306 du 23 mars 2020 pose le principe général d’une prorogation des délais. Ce principe s’applique aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré (Ord. 2020-306 art. 1er, I).

L’ordonnance a pour effet de suspendre les délais du 12 mars 2020 jusqu’au 10 août 2020 (10 juillet + 1 mois), sauf nouvelle prolongation de l’état d’urgence.

En matière fiscale, sont notamment concernés : 

  • Les délais procéduraux,
  • Les délais d’accomplissement certains dépôts,
  • Les délais de réponse de l’administration.

Il convient de préciser que des doutes subsistent quant à l’application de l’ordonnance à certaines procédures.

I/ La suspension des délais de procédure :

Sont ainsi visés :

  • les requêtes devant les juridictions,
  • le contentieux du recouvrement (le délai de réclamation de deux mois, pourra ainsi être reporté s’il venait à échéance pendant la période d’état d’urgence sanitaire),
  • les délais de prescription des procédures de contrôle fiscal, lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020. Cette suspension vise non seulement les procédures de reprise ou de rectification, mais également les intérêts de retard, majorations et amendes. En pratique, sont concernés les délais de reprise arrivant à expiration le 31 décembre 2020 qu’il s’agisse de prescription triennale, sexennale ou décennale (BOI-DJC-COVID19-20 n° 10).
  • les délais liés à une procédure de demandes de renseignements, d’éclaircissements ou de justifications, les délais liés à une mise en demeure, les délais relatifs à la durée du contrôle, les délais concernant les propositions de rectification.D’autre part, l’ordonnance vise expressément les délais prévus à l’article L 198 A du LPF en matière d’instruction sur place des demandes de remboursement de crédits de TVA(Ord. 2020-306 art. 10, I-2°),
  • Les délais de recouvrement qui s’imposent aux comptables publics, prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d’un droit ou d’une action, cours à la date du 12 mars 2020 ou qui auraient dû commencer à courir au cours de la période d’urgence sanitaire sont suspendus jusqu’au terme d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période (Ord. 2020-306 art. 11). Cette disposition s’applique à l’ensemble des créances recouvrées par un comptable public, notamment aux créances fiscales (BOI-DJC-COVID19-10 n° 140).Ainsi, ces délais seront suspendus, sauf nouvelle prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 10 septembre 2020 (10 juillet + 2 mois),

En revanche, les réclamations contentieuses relatives à l’assiette de l’impôt ne sont pas concernées puisque les délais expirent généralement le 31 décembre de chaque année.

II/ La suspension des délais d’accomplissement certaines déclarations :

La formalité de l’enregistrement qui doit être accomplie généralement dans le mois de l’acte (art 635 et suivants du CGI) , bénéficie de la mesure de report, ainsi que cela a été précisé par la circulaire du ministère de la justice du 26 mars 2020. Le délai de paiement des droits d’enregistrement qui pourraient être dus et perçus à cette occasion sont également reportés. 

En revanche, la suspension des délais fiscaux ne s’applique pas :

  • aux déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes (Ord. 2020-306 art. 10, II),
  • le délai de dépôt des déclarations de succession, l’ordonnance ne prévoit aucun report du délai
  • le délai de dépôt des déclarations de dons manuels,
  • Le délai de dépôt des déclarations de plus-value immobilière, aucune prorogation du délai pour procéder au dépôt ne semble s’appliquer.

Des mesures ponctuelles de prorogation des délais ont, néanmoins été prises par l’administration fiscale (déclarations des revenus, déclarations de résultats etc…).

Enfin, aucun délai de paiement des impôts n’est prévu.

III/ La suspension des délais de réponse de l’administration :

L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que sont suspendus, pendant la période d’urgence sanitaire, les délais en cours à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis d’une administration doit intervenir ou est acquis implicitement (BOI-DJC-COVID19-30 n° 10).

A l’instar des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le 2° du I de l’article de l’article 10 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 suspend pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, tant pour le contribuable que pour les services de l’administration, l’ensemble des délais en cours applicables en matière de rescrit. Quant aux délai qui auraient commencé à courir pendant cette période, ces dispositions reportent leur point de départ à la date d’expiration de cette période (BOI-DJC-COVID19-30 n° 50).

IV/ La subsistance de doutes quant la suspension de certains délais :

Des doutes subsistent quant à la suspension des délais liés aux engagements permettant le bénéfice de certains régimes de faveur, si ces engagements venaient à expiration pendant la période d’urgence sanitaire. On peut citer, à titre d’exemple, les engagements de revendre, les engagement de construire etc… Les dispositions de l’ordonnance ne semblent pas s’appliquer à ce type d’engagement.

La question se pose également pour le délai de réinvestissement économique prévu en cas d’apport-cession permettant de bénéficier du régime de report d’imposition (CGI art. 150-0 B ter) ou du délai de mise en location des logements acquis avec le bénéfice des réductions d’impôt « Malraux » (CGI art. 199 tervicies) ou « Duflot-Pinel-Denormandie » (CGI art. 199 novovicies).

L’administration fiscale sera, néanmoins, peut-être amenée à revoir sa position sur ces différents sujets.